De paix et d’humanisme
Cette géante pionnière du combat pour la paix en Casamance est une fonceuse, courageuse et solidaire, pacifiste et humaniste !
Agée de soixante-neuf ans et mère de huit enfants, Halimatou a créé à Ziguinchor, une unité de transformation des produits agricoles, séchés de façon artisanale, par les femmes de son GIE : du thiakry à la banane, des mangues, du fonio, etc. Cette entité sert également de Centre de formation et reçoit de jeunes stagiaires des divers lycées techniques, de l’université de Ziguinchor et d’autres universités du Sénégal… Et depuis 2018, l’État du Sénégal leur envoie une dizaine de stagiaires issus d’écoles de formation et d’universités pour un stage de 18 mois dans cette unité de transformation.
Halimatou vivait paisiblement entre son village Badem et sa ville Ziguinchor, quand en 1981, éclata le « conflit en Casamance », ainsi que le décompte macabre qui l’accompagne… Elle était désemparée ! Un jour, en rentrant du village où elle était partie
faire les récoltes, elle rencontre les rebelles et brandit une pancarte pour la paix. Ce premier acte citoyen et patriote, d’abord motivé par la peur d’une mère pour ses enfants, marqua le début de son engagement pour la paix ! Consciente de l’urgence de stopper cette violence, elle s’engage corps et âme, convoyant et distribuant des vivres non loin des balles, soignant des blessés, rassemblant les victimes, les réfugiés fuyant leurs villages, risquant sa vie à chaque instant dans cet environnement dangereux, mais pourtant, maitrisant sa peur, car ayant foi en son leitmotiv intérieur « On ne risque rien, car on fait du bien, Dieu va nous protéger » ! Elle est profondément bouleversée par ces vies sacrifiées dans ces luttes fratricides. « C’est le fils qui tue le père, c’est le père qui tue son fils » dit-elle.
En 1995, lorsque vingt-cinq soldats meurent, beaucoup de femmes au niveau régional et national, la rejoignent dans son combat pour la paix, « ce ne sont pas seulement des fils de Dakar qui meurent, ce sont eux aussi nos frères et nos pères ». Le conflit casamançais lui fait perdre terres et sources de revenus. Elle crée en 1983 l’Association pour la Promotion de la Mère et l’Enfant Kagamen qui a pour but d’aider les femmes déplacées comme elle, d’assister et de former les victimes des mines anti personnel, d’encourager les femmes à retourner dans leur localité et à créer des activités génératrices de revenus.
En effet, dès les premiers tumultes annonciateurs du conflit en Casamance, la « fondatrice » de KAGAMEN, Halimatou SOUARE s’est montrée très prévenante en initiant déjà en 1983, la première marche pour la paix, accompagnée en cela de 5 hommes que sont entre autres Aba Diatta, ancien adjoint de Robert Sagna à la mairie de Ziguinchor, un ancien gendarme du nom de Malamine Mané, Kémo Sané, Malamine Diémé et Moussa Sadio. Plusieurs marches suivront par la suite, réclamant toutes le retour définitif de la paix en Casamance.
À côté des marches et longues processions accompagnées de chants traditionnels et sacrés, plusieurs autres activités de sensibilisation ont été initiées par KAGAMEN pour faire revenir la paix dans la partie sud du pays. Le lancement de la dernière grande marche couronnant une vaste campagne de sensibilisation pour la paix à travers les trois départements de la région a été présidée en 2005 par le Premier Ministre d’alors, Macky Sall à la tête d’une forte délégation ministérielle. Elle s’est déroulée les 12, 17, 20 et 22 novembre 2005 respectivement à Niassya, Cabrousse, Bignona et Niaguis autour du thème « Femme et conflit armé ». La ministre de la Femme et de la Famille, Ndioro Ndiaye l’avait soutenue depuis le début dans ses initiatives. Le ministre de l’Environnement de l’époque était venu à une rencontre avec les acteurs de la rébellion. Halimatou gagne une légitimité de porte-voix de la population auprès des autorités.
Malgré sa volonté de neutralité politique, Halimatou a été élue adjointe au maire de Mangagoulack, une commune constituée de huit villages près de Bignona, ce qui lui donna plus d’influence au niveau local. Dans la région de Ziguinchor, les femmes organisées en plusieurs groupements (GIE) la sollicitent pour trouver des bailleurs afin de résoudre leurs problèmes d’irrigation, de clôtures, de commercialisation de leurs produits, etc… Elles ont conscience que travailler pour la sécurité alimentaire, améliorer leurs conditions de vie, est essentiel pour maintenir leurs enfants dans la région. Pourtant elles se sentent toujours aussi délaissées, elles et leur si belle région, ce sentiment qui était à l’origine de leur soutien au conflit à ses débuts, persiste… Convaincue que l’apaisement des tensions passe par le développement de la région,
Halimatou œuvre sans relâche dans ce but, en initiant de nombreux projets avec l’appui d’organisations internationales.
Jusqu’à nos jours, les déplacés sont nombreux, les handicapés, victimes de mines, sont formés par Mme Halimatou, même si l’accompagnement de ses derniers ne suit pas. De même, pour les rebelles qui ont déposé les armes. Aujourd’hui, l’un des projets phares d’Halimatou est la mise en place du Musée de la Femme Africaine en Casamance. À travers ce projet de valorisation de la femme, KAGAMEN s’est fixé comme objectif de promouvoir la paix, en Casamance, dans la sous-région et en Afrique en général à travers un lieu de concertation, cadre d’échanges sur les problématiques qui secouent les foyers africains avec une forte mobilisation des femmes leaders de l’Afrique tout entière.
Elle continue le combat pour la paix et pour le développement !