De justice et de chefs d’œuvre
Géante pionnière dans la construction de l’Afrique indépendante, plasticienne, juriste engagée dans de nombreuses causes en faveur des enfants et contre le viol.
Madeleine Devès Senghor est une digne fille de l’époque senghorienne, car elle évoque avec autant d’intérêt ses anciennes fonctions dans la Haute Administration sénégalaise, que son travail de plasticienne éprise de culture, qui l’a accompagnée toute sa vie.
Juriste de formation spécialisée en droit public, elle faisait partie de la première promotion d’étudiants de l’indépendance, en 1961, responsabilisée dès sa sortie de l’université, car destinée à remplacer les fonctionnaires coloniaux sur le départ. « On était la génération de la construction nationale. On se voyait comme des maçons au pied d’un mur et il fallait monter les briques. »
Les difficultés de parcours qu’elle raconte, sont celles de ses choix personnels qui ont été influencés par le destin personnifié par son père, car celui-ci s’est opposé à ce qu’elle fasse une carrière internationale de peur de voir sa fille partir dans un pays étranger qui pourrait s’avérer violent pour une femme.
À l’époque de l’université, Madeleine Devès faisait déjà partie de l’Union Générale des Étudiants d’Afrique occidentale, ce qui lui a donné un goût immodéré pour le milieu associatif. Elle a été parmi les fondatrices de l’Association de Femmes Diplômées des Universités (ASFDU). En 1968, alors que le concept de planification familiale n’était pas évident, elles créent l’Association Sénégalaise pour le Bien Être Familial (ASBEF).
En 1974, avec d’autres collègues, elle fonde l’Association des Juristes Sénégalaises (AJS) qui très tôt, a été un organe phare pour faire évoluer le statut de la femme au Sénégal. Ce sont elles qui ont revendiqué auprès des autorités politiques les modifications des textes de loi dans le sens du renforcement et de la garantie des droits
des femmes, mais surtout en droit civil, en droit de la famille, le statut personnel. Elles ont veillé à ce que le Sénégal, en se dotant du Code de la Famille, puisse garantir une égalité des droits. Ces femmes avaient l’ambition de participer à l’organisation du pays.
Madeleine Devès reste au fait des changements sociétaux et interpelle l’Association sur les cas qui lui tiennent à cœur. Par exemple, quand elle a constaté l’implication de l’argent de la prostitution avec les enfants talibés qui viennent mendier à la sortie des boites de nuit, elle a suggéré à la directrice de la protection de l’enfance de venir constater sur le terrain avec elle. Aussi, pendant deux ans, elle a constitué un dossier sur le viol afin d’établir une typologie de ce phénomène au Sénégal, qui pourrait permettre de mieux l’appréhender.
Madeleine continue à siéger aux Conseils Consultatifs des différentes organisations. « Tout était à créer à l’époque, mais je continue ».
Elle continue à accomplir des missions pour le village d’enfants SOS, dont elle est la trésorière.
Parallèlement à sa carrière professionnelle et son activité associative dense, elle s’est consacrée à la création plastique qui occupe une grande place dans sa vie actuelle. Ce travail qu’elle a commencé comme un délassement, elle l’a ensuite développé dans une recherche de formes et de sens. En utilisant l’Art, dit féminin, de la couture dans la tradition sénégalaise, elle pose d’une autre manière, la question de la place de la femme dans la société.