Des terres et de bravoure
Géante en politique de développement en zone rurale, fière agricultrice pleine d’audace, mère nourricière généreuse, travailleuse obstinée.
Tiné Ndoye est née à Rufisque où elle a été scolarisée jusqu’en classe de troisième secondaire, niveau BFEM. Elle a suivi une formation en comptabilité, à Dakar et a obtenu un diplôme de teneur de livres.
Ensuite, alors qu’elle cherchait un travail, son père l’a donnée en mariage à son neveu, cultivateur dans le village de Mbawane, situé dans la zone des Niayes.
Comme elle dit : « J’ai dû laisser mon diplôme de comptabilité, pour être cultivatrice, laisser la ville, pour aller à la brousse, laisser l’électricité pour la lueur des bougies, laisser les robinets pour aller puiser l’eau au puits, laisser le gaz pour cuire avec des buches de bois… »
Comme la majorité des femmes du village, elle allait faire les récoltes dans les champs du mari, amener son repas, chercher du bois. Ses débuts sont difficiles, mais l’exemple des autres femmes l’encourage. « J’ai trouvé dans ce village des femmes plus braves que moi ».
Mais alors que les moyens de production relevaient de la compétence des hommes, en tant que polygames, ils n’arrivaient pas assurer les dépenses quotidiennes de manière suffisante à toutes leurs épouses. Celles-ci étaient obligées d’essayer de compléter leurs revenus.
Entrevoyant les possibilités de rendement de ce travail agricole, Tiné Ndoye essaie de les organiser en groupe. « Nous travaillions dans les groupes, mais nous n’avions pas de champs ». C’est au vu de cette situation qu’elle commence à sensibiliser les hommes et les femmes du village à la nécessité de leur céder un petit lopin de terre.
L’ONG Enda Pronat qui intervient dans la zone des Niayes pour initier les fermiers aux techniques de production agroécologiques respectueuses de l’environnement et de la santé, les a encadrés.
À force de travail, elle a petit à petit gagné la confiance des maris qui ont cédé des lopins de terre à leurs femmes. D’autres organisations, telles que l’Association des Juristes Sénégalaises, sont venues renforcer la sensibilisation pour les aider à faire valoir leurs droits pour accéder à la terre.
Elle a pu ainsi remplacer son mari quand il est devenu trop vieux pour exploiter son champ. « Je suis devenue entrepreneur au fur et à mesure. J’aidais mon mari dans les champs ». Elle a su s’entourer et chercher les compétences nécessaires pour faire évoluer son entreprise.
Après avoir monté le premier groupement, membre de la Fédération des agropasteurs
de Diender, elle est devenue présidente du réseau national de femmes rurales (RNFR/S) qui regroupe 33 villes sur le territoire sénégalais. À travers ce réseau, elle fait le tour du Sénégal pour défendre l’accès des femmes au foncier. « L’islam n’a pas dit que les femmes ne doivent pas accéder à la terre, il a bien dit que quand le père ou le mari part dans tout ce qu’il laisse, lorsque l’homme a deux parts, la femme en a une part ».
Tiné Ndoye est également membre du Conseil Economique, Social et Environnemental.
« Je suis allée en Inde, en Allemagne, en Espagne, en Amérique, tout ça pour défendre l’agriculture, qui est un métier difficile, mais source de vie, pour nourrir sa famille. »