A propos de Diao Baldé Guèye
De sueur et de cœur
Que de batailles cette géante a dû livrer, que d’obstacles elle a dû surmonter, pour se hisser, pour hisser les autres au-dessus, au-delà du handicap !
Se battre, triompher des dures réalités… Diao sait ce que cela veut dire depuis son plus jeune âge. Atteinte de poliomyélite à la naissance, elle est confrontée à de nombreuses opérations durant les sept premières années de sa vie.
Loin de la décourager, ces années de peine lui ont permis de se forger un mental d’acier. « Je voulais réussir, il n’y avait pas d’autre alternative », dit-elle.
Diao est la présidente de la section féminine de l’association des Handicapés Moteurs de Saint-Louis, et la Secrétaire générale de la cellule Genre et Equité à l’Université Gaston Berger (personnel administratif).
Pour une personne vivant avec un handicap, la première bataille à livrer est, bien souvent, celle de l’accès à l’éducation. C’est aujourd’hui l’un des combats de son association.
« Quand on milite contre la mendicité, contre la marginalisation ou l’exclusion, il faut être instruit », ajoute-t-elle. « Donc nous faisons tout pour faire inscrire à l’école les enfants en situation de handicap » dit-elle. « Nous nous occupons de l’état civil. Nous sensibilisons ses parents. Nous faisons des plaidoyers auprès des enseignants et des établissements scolaires pour leur prise en charge. Nous essayons de trouver des écoles inclusives pour que les enfants soient avec des élèves de leur âge. Et quand l’enfant a besoin d’une école spécialisée, ce qui malheureusement n’existe pas dans des zones comme la nôtre, nous nous débrouillons… Si nous ne le faisons pas, les enfants vont rester à la maison. »
C’est à l’âge de neuf ans que Diao Baldé Guèye entre à l’école. Son frère raconte que l’école les a hébergés pendant des années dans un petite chambre lui et sa sœur, car le bus ne voulait pas la transporter avec son fauteuil. Elle a suivi une scolarité régulière jusqu’à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, mais, en raison de mauvaises conditions d’accessibilité, elle arrêta après deux années et se dirigea vers une formation de comptable à Dakar. À son retour à Saint-Louis auprès de sa mère, elle resta dix ans sans activité salariée.
Pas salariée certes, mais pas oisive pour autant. C’est dans cette période qu’elle se lance dans les activités associatives et s’engage dans des associations de personnes à mobilité réduite, mais également de femmes et de jeunes sportifs qu’elle forme en technique de management.
Elle accompagne également, de manière bénévole, les missions d’appareillage de l’hôpital dans le Fouta, là où la marginalisation et le complexe liés au handicap sont plus perceptibles : « il s’agissait de montrer aux gens qu’on peut être handicapé et réussir sa vie. Même si je ne travaillais pas, je me disais que j’avais réussi parce que je suis arrivée à être instruite. J’occupe une place importante dans ma famille. C’est une réussite personnelle. »
Ce n’est qu’en 2007, après ces années de débrouille ponctuées de militantisme et petits boulots (vendeuse, coiffeuse à domicile), qu’elle est engagée à l’université Gaston Berger comme standardiste contractuelle, par l’entremise de son voisin en ce temps recteur de l’université.
Cet emploi qu’elle accepte « pour montrer que le handicap n’est pas une fatalité et qu’il n’empêchait pas de travailler et d’être compétitive », sera une aubaine et l’occasion pour elle de reprendre ses études de Gestion. Ce n’est qu’une fois sa licence professionnelle de Gestion en poche, qu’elle sera recrutée comme comptable en 2012.
Sa cheffe de service témoigne : « Elle ne demande jamais de l’aide et n’en accepte jamais quand je lui en propose pour faire certaines taches difficiles, elle proteste et me répond toujours qu’elle va se débrouiller »
Elle inspire et soutient les femmes handicapées depuis 1990 dans les mouvements associatifs, « Le complexe vous retarde ! » leur dit-elle souvent… Elle leur apprend la foi en elles, l’estime de soi et le courage.
Cette distinction, selon elle, va la pousser à devoir faire beaucoup mieux, toujours mieux, et elle promet de continuer à être la servante de toutes ces personnes qui ont confiance en elle et qui la soutiennent.